lundi 22 octobre 2007

Les zigzags des rêveurs

Nous suggérons aux internautes de faire une analyse des deux exemples qui suivent au sujet des nouveaux partis politiques indépendantistes qui veulent voir le jour en ce moment. Quelle vaste fumisterie ! De quoi veulent-ils parler exactement ? Essayer de comprendre. Ils ne font que palabrer. Dans les faits, sont-ils prêts à mettre la main à la pâte pour éduquer et former des citoyens et des citoyennes aux fondements de l’indépendance des nations ?

Les indépendantistes palabrent. C’est à peu près tout ce qu’ils font. Quand mettrons-nous fin à ce cercle médiatique des égos ?

Deux exemples :

1. Des États Généraux pour refonder un parti indépendantiste. Suite à ce refus récurrent d’assumer les exigences du combat indépendantiste, un grand nombre de souverainistes ne voient plus le parti québécois comme un véhicule de leurs aspirations
Gilbert Paquette Tribune libre de Vigile, dimanche 6 mai 2007 784 visites 11 messages

(Texte publié dans Le Devoir du samedi 12 mai 2007)

« Le Parti Québécois offre actuellement un spectacle désolant qui affecte l’ensemble du mouvement souverainiste ! Au lieu de tirer les conclusions qui s’imposent, le chef du parti Québécois et son entourage sont engagés dans une entreprise de division. Incapables de faire avancer la souveraineté parce qu’ils ne savent plus comment en parler, et surtout quels gestes poser, on les voit parler de mise en veilleuse de toute démarche souverainiste, s’attaquer à d’autres indépendantistes, voire souhaiter des départs du parti. On voudrait couler le principal véhicule de la souveraineté qu’on ne s’y prendrait pas autrement. »
Où est-il monsieur Gilbert Paquette ?
Y a-t-il quelqu’un qui l’a vu récemment ?

Cinq mois plus tard…

2. Chronique de Raymond Poulin
Un coup de sang ( http://www.vigile.net/Un-coup-de-sang )
Vigile.net 20 octobre 2007 15 messages et c'est pas fini !

« Il ne suffit surtout pas que continuent à se créer des mouvements, des partis ou des particules se prétendant davantage pur jus ou plus pressés les uns que les autres ; si la solution se trouvait là, l’indépendance serait faite depuis longtemps : comptez le nombre de sites, d’organisations et maintenant de partis promouvant la (...) »
  • Lire les commentaires de Bruno Deshaies.

Vous écrivez [M. Raymond Poulin] : « si les intellectuels sont précieux et même essentiels dans ce combat, c’est tout de même la foule anonyme qui fera (ou non) l’indépendance ». Concedo. Toutefois, l’idée de transformer une situation d’annexion pour un peuple qui est soumis à un tel statut depuis près de deux siècles et demi n’est pas une mince tâche. Vigile et les Vigilistes ont du pain sur la planche. Accéder au statut d’indépendance pour les Québécois exige une préparation mentale et certaines connaissances historiques.

Allez demander à monsieur Raymond Poulin de le rencontrer,
il vous répondra que le moment n’est pas venu.


Que sera demain ?

Les débats sur l’indépendance au Québec ressemblent à une pensée cyclique, récurrente et insuffisante. Les Québécois radotent. Les Québécois-Français font du recyclage d’idées périodiquement – ils se répètent sans arrêt. Ils rejettent même la création d’une Chaire de l’indépendance du Québec qui pourrait mettre de l’ordre dans nos idées reçues. Ils condamnent les « purs » sans restriction, comme si l’indépendance était une pureté en soi. L’indépendance est un fait de l’existence, non une pureté. Être indépendant, c’est vivre par soi-même avec les autres, mais libre. Ce qui est vrai pour un individu est aussi vrai pour les nations.

Les indépendantistes doivent apprendre à répondre à la question suivante :

Pouvez-vous nous dire ce que c'est que l'indépendance ?


Bruno Deshaies
Montréal, 22 octobre 2007

mercredi 10 octobre 2007

La nation civique québécoise et le « nous » de Bernard Landry

L’article de monsieur Bernard Landry portant sur « Le véritable « nous » » (cf. RÉF.) ne nous convient ni ne nous convainc guère. Sans s’en rendre compte, il fait de la nation civique une question ethnique ! Cette nation civique étant québécoise fait des exceptions : les Amérindiens et les Inuits. Tandis que « tous les autres citoyens du Québec font partie de notre nation » parce qu’« ils n’ont pas, comme tels, de droits particuliers ». Il y a toutefois une autre exception : les Anglo-Québécois. Or, cette « minorité historique anglophone […], selon les termes de monsieur Landry, jouit d'un « statut linguistique différent ». Il soutient même que « les deux tiers sont bilingues ».

Il est difficile de comprendre comment le « nous » formel de la nation civique québécoise aurait des « contours juridiques faciles à définir », mais ce ne serait « pas suffisant pour désigner le périmètre de quelque nation que ce soit ».

Partant de l’idée qu’ « une nation n’est pas que civique », il est conduit à la définir en termes sociologiques, surtout culturels. De là, il expose sa théorie du non-multiculturel et du multiethnique évidemment. Finalement, ses considérations se perdent dans « le métissage avec des Amérindiens…. La conquête britannique nous amena des Anglais, des Écossais, des Irlandais… L’époque contemporaine nous a donné des gens d’Europe de l’Ouest et de l’Est […] [des] survivants de la Shoah… […] des compatriotes dont les racines sont aux Caraïbes, en Afrique, en Asie et en Amérique latine ». La question n’est finalement que sociale. Il s’agit de savoir comment se passe l’intégration. Puis le « nous » fait partie du tout ! Vu sous cet angle, il nous reste quoi ?

– Le Québec n’est pas bilingue ! Le Québec est francophone ! Cependant « à Montréal, la moitié des immigrants travaillent en anglais » ! Dans le monde scolaire : « Quarante pour cent de ceux qui ont fréquenté les écoles primaires et secondaires francophones vont au collège en anglais. » Pourtant, la langue officielle au Québec est le français.

Ce pénible raisonnement emberlificoté de nombreux concepts imprécis et parfois creux nous conduit laborieusement à « une belle forêt » où il ne faut surtout pas « jeter nos souches dans le feu de la Saint-Jean ».

Si monsieur Landry avait une idée plus complète de la nation au sens intégral, il aurait su que la nation au sens sociologique ne le conduira jamais à la souveraineté politique complète du Québec. Il fait du souverainisme culturel sur la base d’une certaine notion de la nation au sens général qui est un groupe humain – les Québécois-Français – qui est arrivé à se reconnaître distinct. En ce sens, il ne conçoit qu’un aspect de la nation qu’il limite au culturel surtout. Or, l’agir par soi de la nation au sens intégral doit être possible dans les trois grands domaines de la société civile : 1. le politique, 2. l’économique et 3. le culturel, – et tout cela tant à l’interne qu’à l’externe.

La nation au sens intégral vise la maîtrise suffisante dans tous les domaines, sans exception. L’abondance culturelle du Québec-Français ne fera jamais de la nation québécoise une nation indépendante tant et aussi longtemps que l’état et la société québécoise ou la population québécoise-française ne prendront pas complètement en mains la vie politique, la vie économique et la vie culturelle. Seule la maîtrise et la défense de ces trois VIES pourra faire du Québec une nation indépendante. En dehors de ce credo, c’est toujours une forme quelconque d’annexion dans le fédéralisme avec toutes ses conséquences de limitations de VIE collective INDÉPENDANTE. Le seul VRAI combat, il est là.

En complément : Bruno Deshaies, Commentaire. – Nation, nationalisme et indépendance.
– Annexion et science historique. Référence :
http://www.vigile.net/De-l-affirmation-a-l-independance

Opinion

Le véritable «nous»
Bernard Landry, Ancien premier ministre du Québec
Le Devoir, Édition du mercredi 03 octobre 2007


L'usage du mot «nous» pour désigner les membres de la nation civique québécoise est incontournable: il englobe toutes les personnes de citoyenneté canadienne -- et j'espère bientôt québécoise -- qui habitent notre territoire. Seuls, quelque 75 000 citoyens ont une autre appartenance. Ce sont les Amérindiens et les Inuits qui habitent des portions désignées de notre sol que nous gérons de concert avec eux. Ils ont leurs propres nations, plus vieilles que la nôtre et formellement reconnues par notre Assemblée nationale depuis 1985.


Beaucoup plus que civique

Sous peine de dérives inacceptables, tous les autres citoyens du Québec font partie de notre nation, sont régis par les mêmes lois et ont les mêmes droits. La minorité historique anglophone, environ 10 % de la population, dont les deux tiers sont bilingues, jouit d'un statut linguistique différent. Quant aux Québécois issus de l'immigration, ils n'ont pas, comme tels, de droits particuliers puisque, en accédant à notre espace civique, ils acquièrent les mêmes que tout le monde. Beaucoup plus que civique Il est évident que ce «nous» formel aux contours juridiques faciles à définir n'est pas suffisant pour désigner le périmètre de quelque nation que ce soit. Une nation n'est pas que civique. C'est un groupe humain constitué au fil des ans et qui se définit par une foule d'autres facteurs plus complexes, comme la culture, la langue, l'histoire, la solidarité socio-économique, les rêves et les projets communs. Ce sont toutes ces autres dimensions du «nous» que les nouveaux arrivants, avec notre aide fraternelle et vigilante, ont le devoir d'assumer selon des rythmes divers et des degrés variables.

Multiculturel, non

Toutes les mutations qu'on attend d'eux, dont la connaissance de la langue est la plus urgente, ne peuvent pas être réalisées à court terme, mais leur nécessité doit être connue et acceptée des migrants avant même qu'ils n'arrivent ici. Une telle intégration est évidemment incompatible avec le multiculturalisme qui tend à l'entraver. Le Canada est le seul pays au monde à avoir commis l'imprudence d'inclure un tel concept dans sa constitution que le Québec n'a d'ailleurs jamais acceptée. Peu de gens d'ici s'acharnent encore à défendre une thèse aussi «perverse et néfaste», selon l'expression de Jean-Claude Corbeil, et tout autant réprouvée par le juriste Julius Grey que par Neil Bissoondath qui la décrit comme «la plus grande barrière à l'intégration parce qu'elle crée des ghettos et impose des stéréotypes».

Le métissage avec des Amérindiens en fut un des premiers jalons. La conquête britannique nous amena des Anglais, des Écossais, des Irlandais. Puis, surtout après la Seconde Guerre mondiale, des gens d'Europe de l'Ouest et de l'Est ont rejoint notre espace national. Un grand nombre de survivants de la Shoah sont venus s'établir ici malgré le «none is too many» de Mackenzie King.

L'époque contemporaine nous a donné des compatriotes dont les racines sont aux Caraïbes, en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Les cas d'intégration parfaite et exemplaire ne se comptent plus. Mais toutes ces heureuse additions ne doivent en rien atténuer l'importance déterminante des souches initiales et de leur parcours historique. Le contraire, en plus d'être une négation du réel, serait d'une odieuse ingratitude.

Bilingue, non

Pas plus que multiculturel, le Québec n'est bilingue. Il est francophone et, depuis Robert Bourassa le français est formellement sa langue officielle après avoir été, dans les faits et depuis toujours, sa langue nationale commune. Prétendre le contraire ne pourrait que faire du nouvel arrivant une victime, en lui faisant croire qu'il peut, sans conséquence, choisir une autre langue d'usage que celle de son nouveau pays. La réalité, quoique très améliorée par la loi 101, demeure préoccupante: à Montréal, la moitié des immigrants travaillent en anglais, et une majorité d'allophones en font leur langue d'usage. Quarante pour cent de ceux qui ont fréquenté les écoles primaires et secondaires francophones vont au collège en anglais. Ce n'est bon ni pour eux ni pour l'ensemble de la nation. Il faut trouver des moyens de corriger ces inquiétantes anomalies.

Et ailleurs...

Tous les pays d'immigration s'imposent le devoir d'intégrer les nouveaux arrivants et ne cherchent pas à les leurrer, comme le Canada, par un multiculturalisme constitutionnalisé. La France et les États-Unis, entre autres, pratiquent une plus grande vigilance que nous en exigeant des nouveaux arrivants des compétences linguistiques et civiques préalables à l'accès à la citoyenneté. Comment bien exercer, notamment, le droit et le devoir fondamental de voter si on ne sait rien des institutions et qu'on ne peut suivre les débats médiatiques qui jouent un rôle si fondamental dans nos démocraties?

Tout assumer

À terme nos nouveaux compatriotes sont donc conviés à tout assumer. Suivant leur niveau culturel et d'éducation, ils sont invités à connaître aussi bien Champlain et Frontenac que Jeanne-Mance et Marguerite d'Youville. Ils doivent chercher à intégrer peu à peu à leur nouveau bagage historique aussi bien les Patriotes que Jean Lesage et René Lévesque. Ils doivent tenter d'inclure Félix Leclerc, Gaston Miron, Maurice Richard et les autres dans leur québécitude en construction. On sait évidemment qu'ils n'oublieront jamais complètement leur terre d'origine, et c'est tant mieux car ces diverses réminiscences nous enrichissent tous.

Une belle forêt

Les devoirs et les défis de l'intégration sont donc aussi essentiels qu'exaltants, et ils constituent une condition préalable à une vie nationale harmonieuse. Il ne saurait être question de «jeter nos souches dans le feu de la Saint-Jean», comme l'a dit en 1999 Gérard Bouchard, qui devra maintenant proposer quelque chose de plus conforme à notre destin à l'issue de la commission qu'il préside avec Charles Taylor, lui-même descendant de Madeleine de Verchères!

Tous deux devraient plutôt présenter nos souches comme le terreau initial d'une belle forêt laurentienne, majoritairement peuplée de ses espèces vernaculaires, mais toujours désireuse de les enrichir d'essences exotiques à condition qu'elles s'y acclimatent comme le veut la sagesse de la nature elle-même.

Bernard Landry, « Le véritable « nous ». Le Devoir, mercredi 3 octobre 2007 (« Opinion »).
Source :
http://www.ledevoir.com/2007/10/03/159180.html ou http://www.vigile.net/Le-veritable-nous