mardi 27 mars 2007

Pierre BOURGAULT (1934-2003)

UN DÉTONATEUR DE LA PRISE DE CONSCIENCE
INDÉPENDANTISTE


Comme tribun, orateur, journaliste et essayiste, Pierre Bourgeault a été un détonateur de la prise de conscience du nationalisme indépendantiste durant la seconde moitié du XXe siècle. Dans son ouvrage intitulé OUI à l’indépendance du Québec (1977), il suppose que le nationalisme doit s’accomplir maintenant afin que les générations futures puissent le dépasser. « Ce n’est qu’une fois l’indépendance acquise, écrit-il, que les jeunes Québécois pourront enfin s’inventer une société qui leur ressemblera. À défaut de quoi on les retrouvera dans vingt ans brandissant les mêmes drapeaux que nous, scandant les mêmes slogans et se cognant le nez aux mêmes portes fermées. (p. 174) »

Le discours qu’il soutient dans ce livre constitue une longue dissertation subdivisée en vingt-neuf articles qui sont en fait une rationalisation sur la position indépendantiste. Pour synthétiser sa pensée, il l’articule autour de « Si je réponds “oui” à l’indépendance du Québec, c’est… ». Vient après une suite répétitive de cette affirmation qui amorce les vingt-neuf articles où il tente de démontrer la nécessité pour les Québécois de faire l’indépendance du Québec. Nous donnons ci-dessous le libellé de tous les énoncés qui marquent son mode de raisonnement et les raisons, selon lui, pour laquelle l’indépendance est nécessaire parce qu’elle « vise à nous faire vivre de nos propres ressources et de notre propre génie » (p. 10).

Comme tous les autres indépendantistes optimistes de l’époque, il sera confronté à l’idée d’association économique pour le Québec. Sur cette question, il écrit : « Sachons garder en mémoire que les associations économiques, quelles qu’elles soient, sont affaire d’intérêt mutuel et non de sentiments. […] C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre que l’indépendance du Québec nous permettra de négocier avec le Canada une « vraie » association économique qui ne nie pas nos intérêts les plus vitaux. (p. 117) » Il ne sera pas le seul à jongler avec cette idée qui continue encore aujourd’hui à paralyser le MOUVEMENT de l’indépendance du Québec. Ce problème remonte au manifeste d’Option Québec publié par René Lévesque en 1968.

En mettant à part ce problème et quelques autres du même genre, on peut dire que l’actualité de Pierre Bourgault a consisté surtout à nous rappeler que nous pouvions être fiers d’être Québécois. Par ailleurs, on doit reconnaître qu’il a travaillé à disséminer l’idée indépendantiste auprès des Québécois pendant un demi-siècle. Mieux le comprendre nous permettrait très certainement d’améliorer nos raisonnements dans l’optique indépendantiste sans tomber dans les mêmes ornières du nationalisme-indépendantiste-optimiste des générations précédentes.

Mieux comprendre la façon de penser de Pierre Bourgault, c’est s’offrir l’occasion d’aller plus loin encore dans la conviction que l’indépendance du Québec est absolument nécessaire. Mais il faut toutefois y ajouter sans faute toute la conceptualisation de « la nation au sens intégral » que nous retrouvons dans Les Normes et Histoire de deux nationalismes au Canada de Maurice Séguin. La transformation de la conception péquiste de la souveraineté devrait s’abreuver le plus tôt possible dans ces deux sources. Pour cela, le nouveau cheminement des souverainistes exigera la mise en place d’une organisation qui assurera des formes variées de communication entre les indépendantistes et la population québécoise établie dans toutes les régions.

Si nous avons eu besoin d’un tribun pour porter l’étendard souverainiste, il nous faut maintenant des organisateurs affûtés par l’optique indépendantiste qui soient capables de faire avancer le MOUVEMENT. Il s’agit plus aujourd’hui d’une action collective que d’éclats individuels aussi brillants soient-ils, bien que les deux ne doivent pas s’exclure. Faire naître des Académies de l’indépendance dans toutes les régions du Québec serait un précieux commencement dans la bonne direction.

Nous vous invitons à lire avec attention les libellés des vingt-neuf énoncés de Pierre Bourgault dans OUI à l’indépendance du Québec afin d’affiner votre pensée indépendantiste. Mais la véritable difficulté commencera lorsque vous tenterez vous-même de penser sérieusement dans l’optique indépendantiste en percevant bien les limites, les inconvénients du fédéralisme. C’est l’obstacle le plus difficile à franchir si vous voulez dire OUI fondamentalement à l’indépendance du Québec. Il ne s’agit plus des attributs de l’indépendance, mais de l’essence même de celle-ci, c'est-à-dire l’AGIR PAR SOI COLLECTIF DE LA NATION ayant à son avantage la plénitude des pouvoirs d’un État souverain et la capacité d’agir sur tous les secteurs et dans tous les domaines tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Il ne s’agit plus d’un projet mais d’un état.


Bruno Deshaies
Montréal, 28 mars 2007



PLAN DE L’OUVRAGE

Préface 9
Le référendum : c’est quoi ? 17


Si je réponds “oui” à l’indépendance du Québec, c’est

1. qu’elle nous permettra enfin de nous attaquer à nos vrais problèmes. 21
2. qu’il faut toujours mieux se gouverner soi-même que d’être gouverné par les autres. 26
3. qu’elle permettra l’établissement, en Amérique du Nord, d’un pays où les francophones seront majoritaires. 30
4. que le Québec est le seul endroit au monde où je puisse me sentir chez moi. 36
5. qu’elle s’inscrit dans le sens de l’histoire. 40

6. qu’elle nous permettra de recouvrer notre normalité collective. 45
7. qu’elle nous permettra enfin de parler français... et quelques autres langues. 54
8. qu’elle nous permettra d’abattre les frontières pour nous ouvrir sur le reste du monde. 59
9. qu’elle permettra enfin à tous les Québécois, de quelque origine qu’ils soient, de choisir leur pays. 64

10. qu’elle nous donnera le droit à l’échec. 68
11. qu’elle nous donnera le droit au succès. 72

12. que nous sommes prêts à l’assumer. 82
13. que nous avons amplement les moyens de l’assumer. 89

14. qu’elle nous permettra de définir nos priorités. 99
15. qu’elle nous permettra de reprendre en main notre économie.
16. qu’elle nous permettra de rationaliser notre développement économique et social. 108
17. qu’elle nous permettra de réaliser une véritable association économique avec le Canada… et quelques autres pays. 113
18. qu’elle nous permettra de nous débarrasser de notre psychose collective. 119
19. qu’elle nous permettra de nous débarrasser de notre vanité. 123
20. qu’elle nous permettra de redécouvrir nos origines et de nous débarrasser de notre francophobie maladive. 128
21. qu’elle nous permettra de nous débarrasser de notre xénophobie. 133
22. qu’elle nous permettra de lutter plus efficacement contre l’unification forcée du monde. 137
23. qu’elle nous permettra de freiner l’expansion du racisme. 142
24. qu’elle nous permettra de mieux résister à l’influence américaine. 147

25. qu’elle constitue la dernière chance du Canada anglais. 152
26. qu’elle redonnera confiance aux minorités françaises du Canada. 157
27. qu’elle nous forcera à repenser le sort que nous faisons aux autochtones du Québec. 162
28. qu’elle nous forcera tous à nous dépasser nous-mêmes. 166
29. qu’elle permettra aux jeunes Québécois d’inventer leur propre projet de société. 171

Conclusion 175

Source : Pierre BOURGAULT, OUI à l’indépendance du Québec, Montréal, Les Éditions Quinze, 1977, 179 p. Tous les titres des articles sont suivis d’un numéro de page. ISBN 0-88565-139-1

Bibliographie


Le Rassemblement pour un pays souverain a dressé une liste de « lectures suggérées » qui présente un intérêt particulier en ce qui a trait à l’évolution de la pensée indépendantiste au Québec. Les auteurs retiennent pour Pierre Bourgault les écrits suivants :

· Écrits polémiques : la colère, Lanctôt Éditeur, collection « L'histoire au présent ».
· Écrits polémiques 1960-1981, 1. La politique, Montréal, VLB Éditeur, 1982.
ISBN : 2-89005-158-7
· Écrits polémiques 1960-1981, 2. La culture, Montréal, VLB Éditeur.
· Maintenant ou jamais, Montréal, Stanké, 1990. ISBN : 2-7604-0372-6
· Moi, je m'en souviens, Montréal, Stanké, 1989. ISBN : 2-7604-0351-3
· Oui à l'indépendance du Québec, Montréal, Quinze, 1977. ISBN : 0-88565-139-1

vendredi 16 mars 2007

Pour un pays – indépendant et libre comme conditions sine qua non

Réflexion personnelle
d’un indépendantiste serein et raisonnable


Vendredi 16 mars 2007

Le Parti québécois nous a donné ce qu’il pouvait nous donner : deux échecs « référendaires » résultats d’un syndrome « référendaire », c’est-à-dire le résultat de l’ensemble des symptômes d’une maladie. Quelle maladie ? La peur de l’indépendance, l’impuissance à s’orienter vers l’indépendance, à y travailler avec régularité et à clarifier les obstacles à sa réalisation.

Toutes ces années d’existence du Parti québécois nous obligent à conclure que si avant toute chose nos gens ne veulent pas se séparer politiquement du Canada, s’ils ont toujours un sentiment d’appartenance canadienne, c’est évidemment dû pour une très large part au silence du Parti québécois sur l’indépendance, sauf durant l’année 1995, avant le virage de la souveraineté-partenariat-politique-et-économique (un schème politique qui remonte dans notre histoire du temps présent à 1968 avec la publication du manifeste Option Québec par l’équipe de Monsieur René Lévesque).

« Peut-être que le Parti québécois n’aura été que l’intermédiaire
entre les mouvements indépendantistes qui l’ont précédé
et la vraie lutte « finale » de libération nationale qui lui succédera. »

Après ces deux « référendums », il est clair que non seulement le Parti québécois nous amène à vouloir récolter trop vite la semence d’idées répandues par les indépendantistes, avant qu’elles n’aient eu le temps de germer et de croître suffisamment par un travail sérieux, méthodique, régulier et à long terme.

Mais il n’est même pas sûr que le Parti québécois n’ait pas voulu s’appuyer sur ce mouvement qui aspire à l’indépendance du Québec pour le détourner au profit de l’exercice du pouvoir provincial d’un bon gouvernement provincial. (Cette hypothèse mériterait d’être étudiée sérieusement compte tenu du fait que parmi un grand nombre de souverainistes plane une certaine pensée fédéraliste inconsciente. L’optique indépendantiste comme telle n’est pas vraiment entrée dans nos schèmes de penser et dans nos mœurs.)

Peut-être que le Parti québécois n’aura été que l’intermédiaire entre les mouvements indépendantistes qui l’ont précédé et la vraie lutte « finale » de libération nationale qui lui succédera.

Même s’il devait être battu, et disparaître, le travail qui nous a entretenu dans le bon gouvernement provincial n’aura pas été complètement inutile en ce sens qu’on pourra vivre dorénavant en fonction d’un militantisme moins superficiel basé sur les connaissances profondes de ce qu’est l’indépendance du Québec, ce que ce n’est pas, en fait sur ce que c’est que devenir une nation au sens intégral.

Vouloir devenir une nation au sens intégral, c’est vouloir agir suffisamment par soi-même, sans aucun autre pouvoir interposé, sans aucune autre collectivité interposée, dans sa vie économique, dans sa vie politique et dans sa vie culturelle, et ce tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.

Beaucoup d’indépendantistes ont rêvé dans ce Parti québécois que ce parti (et le Bloc Québécois) saurait s’organiser pour réussir à politiser les éléments de notre population qui ont de la difficulté à s’insérer dans une prise de conscience nationale.

Ce n’est pas en faisant appel uniquement à un enseignement de l’histoire nationale au primaire et au secondaire comme le pensent certains souverainistes que le fossé idéologie pourra être comblé. Une transmission des valeurs indépendantistes pour une nation subordonnée et annexée exige plus de la part de toute la collectivité nationale réunie et cela dépasse les appuis ponctuels et conjoncturels des syndicats.

Certes c’était rêver en effet que de penser, notamment, que ce Parti québécois, allait se lancer dans une campagne d’information nationale à la dimension du Québec, qui explique dans des mots simples mais vrais ce que change pour la société québécoise l’indépendance du Québec, dans sa vie économique (la richesse), politique (le pouvoir), et culturelle (le savoir…).

D’ailleurs, pour M. Boisclair, comme pour M. Landry, les Québécois n’ont pas d’ennemis. Le Canada-Anglais va accepter sans rechigner, sans se battre, – et en cette matière tous les coups fourrés sont permis –, de se voir diminuer de 24 % de ses contribuables, de 24 % de sa fonction publique, de 24 % de ce qui fait sa puissance ici et dans le monde.

Avec le Parti québécois nous sommes condamnés à tenter d’expliquer, à des gens qui ne nous croient pas et ne nous croiront jamais, la thèse de l’indépendance facile, une indépendance bonbon où nous n’aurions pas à faire face à de l’adversité. Comment alors nous aider et les aider, nous préparer, et les préparer, à désirer conquérir la liberté ?

« Le Parti québécois n’a pas voulu, et n’a pas pu, s’éloigner des sentiers battus de l’électoralisme. Il n’a pu que s’ajuster à l’opinion alors qu’il s’agissait plutôt, qu’il s’agit plutôt de tenter de la modifier. »

Encore aujourd’hui, les représentants du Parti québécois cherchent à convaincre les candidats des autres partis. Le Parti québécois est là à chercher à les convaincre et à chercher à nous convaincre que la souveraineté est le remède à rechercher puisque sans elle c’est le statu quo, (que nous sommes dans une Constitution que nous n’avons pas signé, dans une constitution « fédérale » irréformable), ou l’impossible réforme du fédéralisme. Or, cette « heure du choix » nous la vivons depuis tout près de 25 ans.

Ils ne se rendent même pas compte que cette approche ne nous fait, quand on est fédéraliste, qu’attendre une réforme du fédéralisme lorsque des gens de bonne volonté seront au pouvoir, qu’après plus de vingt-cinq ans de cette approche plus des deux tiers (2/3) des Québécois préféreraient le fédéralisme, ou une réforme du fédéralisme. Après vingt-cinq ans de cette approche, et l’échec de cette approche, elle n’est même pas questionnée. On en est toujours à désirer un fédéralisme d’ouverture, à demander au gens de devenir indépendantiste la mort dans l’âme, parce que l’indépendance ce sera un vulgaire pis-aller auquel nous devrions nous résigner faute de mieux.

Il n’en reste pas moins qu’outre la peur de l’indépendance que vit le Parti québécois, la peur aussi que cela éloigne du pouvoir provincial, qu’une partie de ceux qui ont voté pour le Parti québécois ont souhaité que le parti devienne un parti très différent des autres pour ce qui est de la formation de ses membres : à la fois un parti, et à la fois un mouvement indépendantiste où l’instruction politique et historique aurait été obligatoire et cultivée intensément. Des stages d’études, – pas seulement pour fabriquer des « collecteurs » de fonds et des travailleurs d’élection – pour les plus méritants qui auraient été organisés 1) au niveau des comtés (niveau local), 2) au niveau des régions, et 3) au niveau provincial. Pour occuper un poste dans le Parti, il aurait fallu avoir suivi la filière de ces études. Ces militants(es) auraient été alors armés(es) pour faire face aux adversaires de l’indépendance et pour renseigner la population en général sur les buts du mouvement indépendantiste.

Car il aurait fallu aussi, (dans une optique de travail, continu, à long terme), apprendre les grandes lignes de notre histoire à notre population, tout en l’éclairant sur notre véritable situation comme peuple (subordonné, annexé, privé de sa capacité d’agir par soi-même dans quantité de secteurs, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur) et que, par exemple, il n’y a pas de véritable autonomie sans posséder à la fois l’autonomie interne et l’autonomie externe (cela demande du travail, de la compréhension, cela demande du temps), tout en l’éclairant sur notre véritable situation comme peuple dans les cadres politiques actuels (une grande partie de notre population, – et de membres du Parti québécois – , ne sait pas ce qu’est le fédéralisme, la réforme du fédéralisme, le statu quo, l’isolationnisme, qu’est-ce que ces « bébittes » mangent en hiver).

En ce moment, avec le Parti québécois, faire la promotion de l’indépendance « tranquille », de l’indépendance facile, c’est comme annoncer à un(e) élève de ne pas s’en faire, que l’examen sera facile, très facile. Qu’arriverait-il si, tout à coup, l’examen s’avérait être moins facile que prévu ou si l’examen s’avérait être difficile ? L’élève coulerait. C’est de cette manière que le Parti québécois nous prépare.

Non pas qu’il faut se faire des peurs. Mais se dire la vérité. Des tensions. Des difficultés. Une transition. Un nouvel ordre. Une fierté. Accomplir davantage. Agir par soi-même et réussir à bien faire. Comme militants(es) réussir à faire plus et mieux par soi-même collectivement, pour soi-même collectivement, tout en devenant capable de concevoir l’indépendance qui donnera naissance à un pays indépendant, c’est-à-dire désannexé (en l’occurrence du Canada-Anglais et de l’État fédéral canadian).

Le Parti québécois n’a pas voulu, et n’a pas pu, s’éloigner des sentiers battus de l’électoralisme. Il n’a pu que s’ajuster à l’opinion alors qu’il s’agissait plutôt, qu’il s’agit plutôt de tenter de la modifier.

Dans ce Parti québécois, il n’existe, par rapport à l’indépendance du Québec, aucune formation de cadres, par exemple. Étant donné le but extraordinaire qui est censé être le sien, l’indépendance du Québec, il aurait fallu des écoles pour former les meilleurs(es) militants(es) à une action politique efficace. Cela 1) au niveau local (comtés), 2) régional, et 3) national. On aurait enseigné à ces futurs cadres les techniques d’animation « populaire », avec les nouvelles techniques ; notre histoire depuis quatre siècles – surtout celle de notre annexion au Canada-Anglais en deux temps, – en 1760, puis en 1840 –, et les théories sur l’accession à l’indépendance.

Lorsqu’on étudie les carences du Parti québécois, on découvre, qu’en réalité, il a peur de l’indépendance, il a peur que la séparation politique, – du Québec du Canada-Anglais –, soit trop bien comprise par la population. Dans l’atmosphère d’étouffement feutré que ce Parti a créée – en reportant tout à une prise de pouvoir, en reportant tout à une période référendaire, à un travail à courte vue, à du court terme à la dernière minute, évitant toute perspective d’une organisation qui travaille sur l’indépendance pour l’indépendance avant-pendant-et-après-les-élections, (gagnées ou perdues), avant-pendant-et-après-les référendums que nous avons perdus – n’est-ce pas un miracle que le OUI ait obtenu 40 % – en mai 1980 – , puis 49 % – en octobre 1995 – ?

Ce que trop de militants(es) de l’indépendance du Québec n’ont pas voulu voir et ne veulent pas voir du Parti québécois, c’est l’édulcoration de l’idée d’indépendance dont ce parti est responsable. C’est devenu une affaire de « référendum » pour faire du recrutement (référendum qui n’est qu’une technique juridique qui ne devrait servir que pour ratifier une volonté populaire déjà présente) et parfois, elle pourrait se réaliser dans un État « fédéral » multinational.

Au fil des années, il est devenu clair que le Parti québécois a besoin de ses militants(es) qui désirent que le Québec devienne un pays pour prendre le pouvoir. Les gens ne font pas des analyses compliquées, mais aujourd’hui ils sentent bien que cela ne fonctionne pas, que l’approche du Parti québécois ne nous mène pas à l’indépendance du Québec.

Une fois au pouvoir, comme on n’a pas convaincu une majorité de Québécois du caractère souhaitable, nécessaire et avantageux de l’indépendance du Québec, il lui faut tout reporter à un « référendum », gagnable, et en attendant le « référendum », être un bon gouvernement, tant l’indépendance a été une stratégie, une période de six mois (1979-1980) à douze mois (1994-1995) de travail en 33 ans (1974), une période courte, tout en faisant fi d’un mouvement d’éducation nationale qui aurait dû apparaître nécessaire, si on veut se préparer, faire avancer et réaliser l’indépendance.

Ajouter assez d’eau dans son vin indépendantiste pour prendre le pouvoir provincial mais pas trop pour ne pas perdre les militants(es) qui ne veulent pas entendre parler d’autre chose que d’indépendance, car il faut bien gagner le pouvoir provincial et être un bon gouvernement.

Et pendant ce temps, en jouant à ce petit jeu, le Parti québécois devient un éteignoir des espoirs d’une, puis deux, puis trois générations.

La crainte au Parti québécois de l’indépendance, et en conséquence l’omission de faire le travail nécessaire pour que l’indépendance progresse petit à petit, par du travail, risque de nous amener à la démission tranquille devant le poids du travail à faire pour faire prendre conscience de la nécessité de tout reprendre à neuf, à l’extérieur des Partis.

Oui, on a bien raison de souligner que la prise en compte des erreurs que nous avons commises avec le Parti québécois nécessite un travail véritable de pédagogie, car il faut comme disent les Anglais, penser tellement autrement – « think off the box ».

Les membres du Parti québécois préféreront continuer de se tromper de façon radicale et durable plutôt que de risquer de se sentir seuls : aller ensemble vers l’absurde d’un scénario impossible, rejeté en 1980 et 1995, car il autorise chaque acteur, militants(es), sympathisants(es), organisation et candidats(es) à donner au travail électoral électoraliste le sens qu’il veut. L’action du Parti québécois comme un but en soi, sans réfléchir sur les obstacles qui nous éloignent de l’indépendance du Québec, permet à tous de se retrouver dans le plaisir d’agir.

La fragilité et la nuisance de ce Parti vient de ce qu’il doit mobiliser ses membres indépendantistes pour gagner des élections et, pour ce faire, leur promettre que plus tard, dans une mobilisation rapide, ils pourront travailler pour qu’advienne l’indépendance du Québec.

En attendant les élections, en attendant le pouvoir, en attendant le « référendum », toujours en attendant à plus tard, le travail d’éducation nationale qui aurait dû apparaître nécessaire est évacué, car on n’arrive plus à voir qu’il pourrait en être autrement. Et c’est ainsi que nous avons perdu et que nous perdons des années précieuses.

Pour conclure, je crois que nous sommes dans une impasse. Pour l’indépendance, le Parti québécois n’a plus rien à donner. Il est temps de commencer à reconquérir notre autonomie de penser et d’action, les parties de l’héritage qui peuvent encore être sauvées de ceux et celles qui ont désiré et désirent que le Québec devienne un pays (indépendant et libre).

Un collaborateur anonyme

vendredi 9 mars 2007

« À l'heure du choix »

Du MSA au PQ et à la souveraineté et au fédéralisme indiscernables

Présentation du texte de l'« avant-propos » du manifeste Option Québec (1968)

Nous sommes toujours devant le même probème : toujours à l'heure du choix ou à la croisée des chemins. C'était vrai en 1968 et ce l'est encore en 2007. Il est possible que les collaborateurs de René Lévesque aient écrit en 1968 « En guise d'avant-propos » à l'édition d'Option Québec le fin mot du souverainisme québécois. Depuis lors, tout le mouvement souverainiste s'est embourbé dans une conceptualisation de l'indépendance nationale du Québec qui n'en finit plus dans sa casuistique indépendantiste-optimiste, c'est-à-dire de l'indépendance facile parce qu'elle pourrait être une indépendance à deux.

Notons que la position de ces derniers rejoint d’autres interprétations traditionnelles canadiennes-françaises ou québécoises. Elle pourrait, d’après l’historien Maurice Séguin, se résumer en ces termes (si l’on n’entre pas dans les détails) :

1° l’obtention de l’indépendance politique pour le Canada-Français [aujourd’hui le Québec]

a) comme possible [ET] assez facilement, si l’on veut cette indépendance ;
[ET AUSSI]
b) comme quelque chose qui va de soi,

2° ou le recouvrement possible d’une indépendance politique perdue ou refusée par accident :

3° [tout en] percevant l’inévitable inégalité politique d’une nationalité minoritaire.
(Réf. : Les Normes, Chapitre premier.)


C’est souvent à partir d’un tel positionnement historique que les partis politiques provinciaux et fédéraux au Québec s’alignent pour définir leur programme politique. Cependant, dans le cas des hommes et des femmes politiques qui acceptent d’emblée le principe fédératif, ceux-ci et celles-ci rejettent ipso facto l’idée de la nécessaire indépendance et souveraineté de l'État du Québec. Il n’en reste pas mois que les penseurs d’Option Québec avec à leur tête René Lévesque ont fait le pari de la souveraineté association. Leur objectif central consistait à vouloir « réconcilier la réalité de l’interdépendance avec les exigences de la souveraineté politique ». Dans le contexte canadian, ils ne souhaitaient rien de moins qu’« un Québec souverain, associé au reste du Canada dans une nouvelle union ». Cette logique indépendantiste a conduit les Québécois sur tellement de pistes quant à l’avenir du Québec qu’il est presque impossible de savoir clairement ce que veut dire et l’indépendance et la souveraineté et même la nature du pays rêvé.

AU COURS DES 40 DERNÈRES ANNÉES

Le document qui suit constitue une illustration vivante de l’incapacité collective des Québécois au cours des 40 dernières années de rectifier le tir et de corriger les éléments fondateurs du péquisme qui nous a conduits collectivement dans un cul-de-sac. Disons-le clairement, la campagne électorale en cours ne peut qu’illustrer une fois de plus le mal de chien que se donnent nos politiciens à vouloir nous convaincre finalement qu’ils sont tous autonomistes sur un plan ou sur un autre. En revanche, les faits nous montrent plutôt qu’ils sont tous des fédéralistes sur un plan ou sur un autre.

Le débat des chefs qui s’est tenu le 13 mars 2007 à Québec a démontré que chacun était autonomiste à sa façon. Finalement, leurs débats nous conduisent nulle part, sinon que de nous maintenir de gré ou de force dans le système d’union fédérale canadian avec des nuances bien entendu quant au fonctionnement du régime qui pourrait être très centralisé ou peu centralisé.

Si l’un de ces partis politiques faisait le pari d’endosser l’optique indépendantiste, nous pourrions enfin comprendre quelque chose et surtout savoir où nous voulons aller. Or, le Québec est encore très loin de cet objectif.

Le document que nous vous offrons en lecture illustre merveilleusement les contradictions intrinsèques de la pensée politique québécoise actuelle qui est elle-même héritière d’un passé très lourdement imprégnée par le courant fédéraliste. S’il y a d’une part une majorité de fédéralistes-optimistes, d’autre part nous trouvons un fort contingent d’indépendantistes-optimistes. Ces deux groupements politiques continuent à s’affronter tout en étant d’accord sur des points essentiels du fonctionnement de la fédération canadienne. Or, les indépendantistes-raisonnables tiennent à mettre fin à cette imposture en soulevant l’importance de la compréhension de la notion de nation au sens intégral (cf. la Chronique de jeudi, 15 mars 2007, sur le site Internet VIGILE.NET)
http://www.vigile.net/

Bruno Deshaies
Montréal, 14 mars 2007


Document

En guise d’avant-propos


À L’HEURE DU CHOIX

« On est tout à fait un homme social,
Digne de ce nom, que si l’on a
Une partie qui vous soit propre et
Que nul ne vous puisse contester.
Le plus souvent on naît dans une
Patrie; mais souvent aussi il faut,
hélas, la conquérir »


Jacques Madaule

En octobre dernier [1967], nous quittons le Parti libéral du Québec.

Six mois plutôt, nous étions une vingtaine réunis dans une auberge du Mont-Tremblant pour faire le point, entre nous, sur la question constitutionnelle. À travers de nombreux incidents, dont la presse a largement fait état et qu’il n’y a pas lieu d’analyser ici, nous avons poursuivi recherches et réflexions qui devaient nous conduire à une option susceptible de réconcilier la réalité de l’ interdépendance avec les exigences de la souveraineté politique nécessaire au développement des nations modernes, où l’État joue un si grand rôle dans la vie économique, social et culturelle des peuples.

Cette option pour un Québec souverain, associé au reste du Canada dans une nouvelle union, fait l’objet des textes que nous avons réunis dans ce petit livre à l’intention de tous ceux qui s’interrogent aujourd’hui sur l’avenir du Québec et du Canada.

Il ne s’agit pas d’un programme électoral. On ne trouvera pas dans cet ouvrage de réponse à tout. Mais on y trouvera un esprit et une option.

Nous sommes, croyons-nous, à l’heure du choix.

Un choix inéluctable qu’il nous faut avoir le courage d’envisager, sans nous perdre dans de vaines querelles de mots, de formules ou de personnalités.

La crise constitutionnelle canadienne n’est pas « une invention »… Non seulement elle existe, mais elle va sans cesse s’aggravant et approche du point d’ébullition.

Même ceux que cela dérange, même ceux à qui cela fait peur doivent se rappeler que c’est le Québec qui a déclenché cette crise – et que c’est lui aussi, par conséquent, qui doit trouver en lui-même la lucidité et le courage d’en amorcer le dénouement.

De quoi s’agit-il ? du droit de vivre sa vie, du droit de vivre notre vie ; droit à la vie des hommes, qu’ils soient faibles ou puissants ; droit à la vie des peuples ou des nations, quelle que soit leur taille.

Comme Fernand Dumont, directeur de l’Institut des sciences humaines de l’Université Laval, nous croyons « à la vertu des petites nations », et nous revendiquons pour la nôtre le droit à la vie.

Cette vie que nous voulons vivre est celle d’hommes libres dont nous voulons assumer pleinement la responsabilité ; à moins d’être un enfant, on n’a pas le droit d’abdiquer cette responsabilité-là, de la troquer pour quelque tutelle que ce soit, si confortable soit-elle.

Mais cette vie, rien ne nous empêche pas de vouloir la vivre pleinement tout en l’associant librement et naturellement à celle des autres, celle des autres hommes, celle des autres peuples, d’égal à égal.

C’est là ce que nous proposons aux Canadiens.

Quant à nous, nous ne voyons pas d’autre solution, non pas en désespoir de cause, mais à cause de l’espoir !

Cet espoir fondé sur la conviction que les peuples libres, comme les hommes, peuvent s’unir pour bâtir cette nouvelle société qui réponde à leurs besoins, pour édifier la cité libre de demain.

Nous avons un pays à construire, et il nous reste peu de temps pour le faire.

Rosaire BEAULE
Gérard BÉLANGER
Jean R. BOIVIN
Marc BRIÈRE
Pothier Ferland
Maurice JOBIN
René LÉVESQUE
Monique MARCHAND
Guy PELLETIER
Réginald SAVOIE

René Lévesque, Option Québec, Montréal, Éditions de l’Homme, 1968, 173 p. [Préface par Jean Blain] ; Option Québec, Paris, R. Laffont, 1968, 176 p. (coll. « Le monde qui se fait ») ; Option Québec, texte précédé d’un essai d’André Bernard, Montréal, Éditions de l’Homme, 1988, 252 p. Disponible aujourd’hui chez Édition TYPO *127, 1997, 368 p. ISBN 2-89295-140-2

mercredi 7 mars 2007

Option Québec

VIIe Congrès national du PQ

LA SOUVERAINETÉ ASSOCIATION :
NOS ILLUSIONS SONT-ELLES PERDUES
DEPUIS LA PUBLICATION D’
OPTION QUÉBEC
PAR RENÉ LÉVESQUE ?


La Préface de l’historien Jean Blain au manifeste Option Québec de René Lévesque demeure un document clé (voir le document ci-après) pour servir à l’interprétation des événements politiques des 40 dernières années qui ont été marquées par cette génération de Québécois qui a été celle des Jean Lesage, Daniel Johnson, père, René Lévesque, Jacques Parizeau, Camille Laurin ou Jacques-Yvan Morin, comme par ailleurs, des Robert Bourassa, Pierre Elliott Trudeau, Jean Marchand. Gérard Pelletier, Marc Lalonde ou Jean Chrétien.

Les deux courants principaux (fédéraliste et souverainiste) se sont épuisés mutuellement dans des luttes fratricides ; celles-ci se continuent encore sous nos yeux sans qu’on prenne la mesure de la désolation et même de la dévastation du Québec et des Québécois. Ce constat sur la situation des Québécois au plan national n’est pas encore partagé par un assez grand nombre d’individus dans la société québécoise, ce qui fait que nous piétinons plutôt que nous marchons – pour ne pas dire que nous tournons en rond.

Les espoirs de l’historien Jean Blain en 1968 ne se sont jamais réalisés. Le Mouvement souveraineté association ou MSA de René Lévesque qui est devenu le PQ n’a pas été le ferment capable de muter le Québec DU STATUT DE PROVINCE à celui D’ÉTAT SOUVERAIN.
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INDÉPENDANCE : POUR OU CONTRE ? 117

VALSER ENTRE L’INDÉPENDANCE ET LE FÉDÉRALISME
Une histoire contradictoire du Parti québécois
Chronique du jeudi 7 novembre 2002
http://www.vigile.net/ds-deshaies/docs/02-11-7.html
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Cet « équilibre » qui devait inspirer la « confiance » a échoué sur trois et même quelques autres récifs : deux référendums perdus, un rapatriement unilatéral de la constitution canadienne assortie d’une charte des droits et libertés plus une loi sur la clarté (C-20) de Stéphane Dion et un immense scandale des « commandites » pour préserver l’unité canadienne. En définitive, la souveraineté association n’a pas été, comme le pense Jean Blain, « un des points de ralliement les plus importants de notre histoire ».

L’insatisfaction exprimée par les indépendantistes et le refus du Canada-Anglais de négocier un nouveau Pacte demeurent deux variables majeures sur l’échiquier de la politique québécoise et canadian. L’égalité entre les deux sociétés est inacceptable pour les fédéralistes canadians et surestimée trop facilement par les souverainistes confédéralistes québécois. Ils ne s’entendront jamais.

L’indépendance à deux est un leurre, un mythe ou, dit autrement, une fixation, une lubie. L’union canadienne (par opposition à l’unité québécoise) dont ont rêvé les collègues de Maurice Séguin, Michel Brunet et Jean Blain, ne s’est pas réalisée. Liquider la tradition n’est pas une mince affaire même si chacun d’entre nous comme Québécois-Français croyons savoir « ce que c’est que l’indépendance ». En vérité, il y loin de la coupe aux lèvres ! L’indépendance du Québec ne doit pas faire l’objet seulement de conversations et de débats privés ou publics.

La transformation mentale de l’optique fédéraliste vers l’optique indépendantiste exige une révolution de la pensée tant au plan de la sociologie politique que dans l’interprétation des faits. C’est une vision toute nouvelle de l’avenir du Québec qui prend corps dans l’esprit et qui doit avoir des conséquences tant dans les attitudes que les comportements. Il doit y avoir un transfert des idées aux actes. Ce changement profond implique l’action.

Les élections du 26 mars prochain démontreront que la dernière vague indépendantiste en lice ne marquera pas d’une pierre blanche l’indépendance complète du Québec, c'est-à-dire l’autonomie interne et externe y compris le développement économique par ses propres forces nationales. Il faudra un effort supplémentaire pour faire comprendre à la population du Québec qu’elle doit se libérer définitivement de ses réflexes annexionnistes inconscients qui la rend vulnérable aux propositions de leurs adversaires fédéralistes.

Au fond, le préfacier d’Option Québec est un souverainiste associationniste. Bon analyste de la situation de l’époque, mais comme beaucoup d’autres de sa génération, il hésite à dépasser le stade des arrangements politico-constitutionnels de type fédéraliste qui privent le Québec d’un destin indépendantiste.

Tout près de 40 ans plus tard nous sommes toujours à chercher frénétiquement « le cadre approprié » qui permettrait de réaliser nos « aspirations irrépressibles et sans cesse grandissantes et d’autre part, de recherches frénétiques du cadre approprié où les réaliser ». Jean Blain nous décrit très bien la situation en 1968. Aujourd’hui, nous pensons qu’il ne pouvait mieux dire pour nous montrer à quel point l’indécision mortelle des péquistes et des souverainistes entre l’associationnisme et l’indépendance à miner progressivement les « aspirations irrépressibles » des Québécois à affirmer et défendre l’indépendance du Québec.

Si l’Option Québec de René Lévesque, c'est-à-dire la voie de la souveraineté association, n’est pas parvenue à être, comme l’a pensé Jean Blain, « un des points de ralliement les plus importants de notre histoire », force est de constater aujourd’hui que c’est une immense déception et un échec lamentable.

Les Québécois ne pourront pas jouer au yoyo indéfiniment avec l’indépendance du Québec. Ou le yoyo est en mouvement vers le haut ou il se trouve en mouvement vers le bas. Arrêter le mouvement dans sa course, c’est de la folie collective. Aller vers le bas, c'est-à-dire dans l’associationnisme, le partenariat ou le confédéralisme, c’est toujours de l’annexion. Monter vers l’indépendance, c’est amener le yoyo vers le haut, c'est-à-dire vers l’objectif de la maîtrise et de la défense de l’agir (par soi) collectif dans tous les domaines de la vie de la nation, soit en politique, en économique et au culturel. Voilà le SEUL cadre approprié pour réaliser l’indépendance du Québec.

Depuis 40 ans, les Québécois se sont accrochés au mythe de l’égalité des nations fondatrices au Canada. Ce problème est réglé depuis 1840, du moins dans l’esprit du CANADA-ANGLAIS (et soit dit en passant que ce n’est pas le ROC, mais bien le CANADA fédéral). Or, nous devons savoir que ce régime politique est par essence centralisateur depuis 1867 et qu’il a été reconfirmé en 1982, puis consolidé par la Loi sur la clarté de 1999.


Bruno Deshaies
Montréal
Le 6 mars 2007

René Lévesque
Option Québec
(Éditions de l’Homme, 1968)


Description bibliographique de l'ouvrage
René Lévesque
24 août 1922, New Carlisle, Québec
1er novembre 1987, Montréal

René Lévesque, Option Québec, Montréal, Éditions de l’Homme, 1968, 173 p. [Préface par Jean Blain] ; Option Québec, Paris, R. Laffont, 1968, 176 p. (coll. « Le monde qui se fait ») ; Option Québec, texte précédé d’un essai d’André Bernard, Montréal, Éditions de l’Homme, 1988, 252 p. Disponible aujourd’hui chez Édition TYPO *127, 1997, 368 p. ISBN 2-89295-140-2
L’ "option" de René Lévesque [1988], qui n’occupe ici qu’une trentaine de pages, est encadrée d’un historique du mouvement (1968-1988), d’une section sur l’organisation économique d’un État québécois souverain et de nombreuses annexes. (Source : Services documentaires multimédia Inc.)

Document

PRÉFACE
par
Jean Blain(*)

Désormais, par-delà les luttes des partis politiques, par-delà les intérêts souvent mal dissimulés de certaines classes de la société, par-delà la peur viscérale du risque, il apparaît indiscutable que le Québec est tout entier engagé sur la voie irréversible de la souveraineté.

La voie irréversible de la souveraineté

Ce n’est pas là un phénomène révolutionnaire. Une analyse historique attentive y voit le résultat actuel – qu’il s’agit de mener à sa perfection – d’une lente et laborieuse évolution qui remonte à deux siècles.

Ce qui apparaît nouveau, c’est l’accélération du mouvement et la prise de conscience de plus en plus aiguë qu’il suscite à travers toutes les couches de la population québécoise. On sent, en retenant son souffle, que l’échéance approche.

« …le régime Duplessis a donné naissance à deux tendances… »

Après la décantation opérée par le temps, il semble plus clair aujourd’hui que le régime Duplessis a donné naissance à deux tendances, au départ, distinctes : la première, en réaction à des années d’immobilisme, cherchant à promouvoir dans tous les domaines le développement social du monde québécois ; la seconde, mettant l’accent sur la qualité du statut politique et des cadres constitutionnels à l’intérieur desquels devait se poursuivre le destin du Québec.

Lutte entre les « réformateurs sociaux » et les « extrémistes » favorables au « statut d’indépendance »

Au début, l’opposition entre les deux tendances a pu paraître irréductible à certains. Des réformateurs sociaux notamment qui n’avaient vu dans le nationalisme québécois qu’un exutoire factieux à des énergies qu’on eût mieux fait d’utiliser ailleurs – ce qui fut souvent le cas – s’en prirent aux avocats d’une constitution réformée ou nouvelle, en particulier aux extrémistes qui commençaient alors à proposer brutalement le statut d’indépendance.

« Le déblocage des années 1960 »

Ce que l’on a nommé le déblocage des années 1960, c’est-à-dire, la remise en marche à un rythme plus normal de la société québécoise vers des idéaux connus de toute société moderne, a clairement démontré que le fossé était beaucoup plus illusoire que réel entre le social et le national. La majorité des réformateurs sociaux de la décennie 1950-1960, des antiduplessistes les plus acharnés, des vilipendeurs les plus assidus du nationalisme, se surprennent aujourd’hui à espérer que la constitution canadienne soit corrigée pour permettre une plus grande aisance d’action à la communauté nationale du Québec. Peu importe les derniers récalcitrants qui, sous le signe de la colombe, s’efforcent de maintenir un statu quo politique qui s’écroule. Ils ont l’utilité des bornes qui permettent de mieux mesurer le chemin parcouru.

On ne peut faire que le développement de la société du Québec ne tende vers le développement de la nation québécoise jusqu'à s’y identifier. Plus libres, plus démocrates, plus instruits, plus riches, les Québécois ont nécessairement une conscience plus nette de leur unité de groupe et entrevoient plus clairement la souveraineté comme une condition essentielle au perfectionnement de leur collectivité. Le social nourrit le national jusqu’à ce que le national apparaisse comme la clé indispensable d’un mieux-être social.

1968 : « la quête des options »

Psychologiquement, nous en sommes là ou à peu près. Au plan tactique, nous en sommes à la quête des options qui accéléreront ou ralentiront le mouvement.

Élimination de la thèse du statu quo

Au point de départ, il faut rapidement éliminer la thèse d’un statu quo mieux compris, mieux expliqué, mieux respecté, et celle d’une constitution légèrement amendée qui aurait la vertu de conférer l’égalité des deux nations à travers tout le Canada. La première a, depuis cent ans, donné lieu à un nombre impressionnant d’égarements nationalistes dont la stérilité parle aujourd’hui par elle-même. La seconde table sur la faiblesse humaine qui nourrit les grands rêves. Pour comprendre son caractère irréaliste, il suffit d’imaginer le nombre de siècle qu’il faudra avant que le Québécois du Lac St-Jean soit et se sente vraiment chez lui dans la vallée du Fraser.

La proposition du « statut particulier »

Le statut particulier, avec ses variantes et son contenu indéterminé, possède actuellement un réel pouvoir de séduction. C’est qu’il a une facette qui prône un certain progrès et une autre qui propose en même temps un freinage certain. Ainsi a-t-on l’impression d’aller de l’avant dans un climat de sécurité. En réalité, c’est l’aspect négatif qui domine, qui prend toute la place. La thèse du statut particulier, on l’a déjà dit, c’est l’expression de la peur devant l’inévitable. C’est l’hésitation irréfléchie devant le choix final. C’est la crainte de ne pouvoir ménager ses arrières et de se voir couper la retraite, comme si la souveraineté du Québec signifiait autre chose qu’un simple réaménagement politique sur un territoire marginal de l’Amérique septentrionale. Une pareille thèse inspirée par le refus de la réalité, par le rejet du risque mesuré et réfléchi, reste inféconde ou engendre un monstre. On a mis du temps avant de risquer d’insérer un certain contenu sous l’étiquette « statut particulier ». Le jour où on l’a fait, l’absurdité de l’option est devenue plus claire : outre que la fédération canadienne allait souffrir d’une difformité constitutionnelle qui en ferait un objet de curiosité dans le monde – ce que l’on savait déjà par la seule énonciation de la thèse – les « privilèges » québécois qui ne sont qu’une fraction de ceux qu’offre la souveraineté, soulèveraient en dehors du Québec les mêmes protestations que l’indépendance ; protestations fort justifiées cette fois, puisqu’on demanderait au reste du Canada d’assumer le fardeau d’une portion d’autonomie qui ne bénéficie qu’à nous.

Les pénibles contorsions auxquelles oblige la thèse du statut particulier qui gagne ses adeptes dans les milieux conservateurs ont au moins ceci de valable qu’elles démontrent le penchant irrésistible du Québec vers la souveraineté.

Une souveraineté qui ne serait pas une fin en soi, « un caractère
d’objectif final »

Mais cette souveraineté, elle n’est pas une fin en soi. Elle est le chemin inévitable par lequel doit passer l’avenir du Québec.

C’est peut-être ce qui distingue le mieux l’option Lévesque de celle des partis indépendantistes déjà vieux de quelques années. Comme il arrive souvent dans l’histoire des groupes politiques du monde occidental, le RIN et le RN ont eu la tâche ingrate, mais nécessaire, de servir de ferment à des idées qu’une majorité, consciemment ou non, se refusait encore à admettre d’emblée. La propagande que ces partis furent forcés de faire pour vaincre les résistances ne pouvait à la longue que conférer à la notion d’indépendance un caractère d’objectif final, un caractère d’absolu, qui est évidemment à rejeter. Mais ces partis ont beau faire, ils restent marqués d’un cachet d’apolitique. On les croit – et peut-être les croira-t-on toujours – doctrinaires et aprioristes. Ils constituaient hier une étape essentielle.

L’option Lévesque

L’option Lévesque est la seule thèse souverainiste que les adversaires même les plus acharnés hésiteront à qualifier de jeu de l’esprit. C’est que par l’homme qui l’incarne et par les grandes lignes de son programme, elle représente assez bien cette convergence du social et du national qui est le phénomène le plus important de ces dernières années au Québec. Elle n’est pas que constitutionnelle, elle est politique. Posant d’une part les conditions requises au développement de la société québécoise, elle ne néglige pas pour autant les lignes de forces politiques et économiques du continent nord-américain.

« L’hypothèse de travail la plus valable »

Elle est actuellement l’hypothèse de travail la plus valable parce que la plus conforme aux réalités de l’heure qui, d’une part, sont faites d’aspirations irrépressibles et sans cesse grandissantes et d’autre part, de recherches frénétiques du cadre approprié où les réaliser.

Elle représente entre le passé et l’avenir un équilibre qui inspire confiance.

C’est cet équilibre, bâti à la mesure du Québec d’aujourd’hui, qui en fera peut-être un des points de ralliement les plus importants de notre histoire.

Jean BLAIN


(*) René LÉVESQUE, Option Québec, Montréal, Les Éditions de l’homme, 1968, 175 p. et Paris, Robert Laffont, 1968, 176 p. (coll. « Le monde qui se fait »). Texte intégral de la Préface par Jean Blain, historien, professeur d’histoire de la Nouvelle-France et spécialiste de l’historiographie canadienne, Faculté des lettres, Département d’histoire, Université de Montréal. Il est aujourd’hui à la retraite. (Voir les pages 11 à 15 d’Option Québec.)

NDLE.– Les titres et sous-titres intercalés dans le texte ont été ajoutés au texte original pour en faciliter la lecture. Les passages mis en caractères gras sont de nous.