INDÉPENDANTISTE
Comme tribun, orateur, journaliste et essayiste, Pierre Bourgeault a été un détonateur de la prise de conscience du nationalisme indépendantiste durant la seconde moitié du XXe siècle. Dans son ouvrage intitulé OUI à l’indépendance du Québec (1977), il suppose que le nationalisme doit s’accomplir maintenant afin que les générations futures puissent le dépasser. « Ce n’est qu’une fois l’indépendance acquise, écrit-il, que les jeunes Québécois pourront enfin s’inventer une société qui leur ressemblera. À défaut de quoi on les retrouvera dans vingt ans brandissant les mêmes drapeaux que nous, scandant les mêmes slogans et se cognant le nez aux mêmes portes fermées. (p. 174) »
Le discours qu’il soutient dans ce livre constitue une longue dissertation subdivisée en vingt-neuf articles qui sont en fait une rationalisation sur la position indépendantiste. Pour synthétiser sa pensée, il l’articule autour de « Si je réponds “oui” à l’indépendance du Québec, c’est… ». Vient après une suite répétitive de cette affirmation qui amorce les vingt-neuf articles où il tente de démontrer la nécessité pour les Québécois de faire l’indépendance du Québec. Nous donnons ci-dessous le libellé de tous les énoncés qui marquent son mode de raisonnement et les raisons, selon lui, pour laquelle l’indépendance est nécessaire parce qu’elle « vise à nous faire vivre de nos propres ressources et de notre propre génie » (p. 10).
Comme tous les autres indépendantistes optimistes de l’époque, il sera confronté à l’idée d’association économique pour le Québec. Sur cette question, il écrit : « Sachons garder en mémoire que les associations économiques, quelles qu’elles soient, sont affaire d’intérêt mutuel et non de sentiments. […] C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre que l’indépendance du Québec nous permettra de négocier avec le Canada une « vraie » association économique qui ne nie pas nos intérêts les plus vitaux. (p. 117) » Il ne sera pas le seul à jongler avec cette idée qui continue encore aujourd’hui à paralyser le MOUVEMENT de l’indépendance du Québec. Ce problème remonte au manifeste d’Option Québec publié par René Lévesque en 1968.
En mettant à part ce problème et quelques autres du même genre, on peut dire que l’actualité de Pierre Bourgault a consisté surtout à nous rappeler que nous pouvions être fiers d’être Québécois. Par ailleurs, on doit reconnaître qu’il a travaillé à disséminer l’idée indépendantiste auprès des Québécois pendant un demi-siècle. Mieux le comprendre nous permettrait très certainement d’améliorer nos raisonnements dans l’optique indépendantiste sans tomber dans les mêmes ornières du nationalisme-indépendantiste-optimiste des générations précédentes.
Mieux comprendre la façon de penser de Pierre Bourgault, c’est s’offrir l’occasion d’aller plus loin encore dans la conviction que l’indépendance du Québec est absolument nécessaire. Mais il faut toutefois y ajouter sans faute toute la conceptualisation de « la nation au sens intégral » que nous retrouvons dans Les Normes et Histoire de deux nationalismes au Canada de Maurice Séguin. La transformation de la conception péquiste de la souveraineté devrait s’abreuver le plus tôt possible dans ces deux sources. Pour cela, le nouveau cheminement des souverainistes exigera la mise en place d’une organisation qui assurera des formes variées de communication entre les indépendantistes et la population québécoise établie dans toutes les régions.
Si nous avons eu besoin d’un tribun pour porter l’étendard souverainiste, il nous faut maintenant des organisateurs affûtés par l’optique indépendantiste qui soient capables de faire avancer le MOUVEMENT. Il s’agit plus aujourd’hui d’une action collective que d’éclats individuels aussi brillants soient-ils, bien que les deux ne doivent pas s’exclure. Faire naître des Académies de l’indépendance dans toutes les régions du Québec serait un précieux commencement dans la bonne direction.
Nous vous invitons à lire avec attention les libellés des vingt-neuf énoncés de Pierre Bourgault dans OUI à l’indépendance du Québec afin d’affiner votre pensée indépendantiste. Mais la véritable difficulté commencera lorsque vous tenterez vous-même de penser sérieusement dans l’optique indépendantiste en percevant bien les limites, les inconvénients du fédéralisme. C’est l’obstacle le plus difficile à franchir si vous voulez dire OUI fondamentalement à l’indépendance du Québec. Il ne s’agit plus des attributs de l’indépendance, mais de l’essence même de celle-ci, c'est-à-dire l’AGIR PAR SOI COLLECTIF DE LA NATION ayant à son avantage la plénitude des pouvoirs d’un État souverain et la capacité d’agir sur tous les secteurs et dans tous les domaines tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Il ne s’agit plus d’un projet mais d’un état.
Bruno Deshaies
Montréal, 28 mars 2007
PLAN DE L’OUVRAGE
Préface 9
Le référendum : c’est quoi ? 17
1. qu’elle nous permettra enfin de nous attaquer à nos vrais problèmes. 21
2. qu’il faut toujours mieux se gouverner soi-même que d’être gouverné par les autres. 26
3. qu’elle permettra l’établissement, en Amérique du Nord, d’un pays où les francophones seront majoritaires. 30
4. que le Québec est le seul endroit au monde où je puisse me sentir chez moi. 36
5. qu’elle s’inscrit dans le sens de l’histoire. 40
6. qu’elle nous permettra de recouvrer notre normalité collective. 45
7. qu’elle nous permettra enfin de parler français... et quelques autres langues. 54
8. qu’elle nous permettra d’abattre les frontières pour nous ouvrir sur le reste du monde. 59
9. qu’elle permettra enfin à tous les Québécois, de quelque origine qu’ils soient, de choisir leur pays. 64
10. qu’elle nous donnera le droit à l’échec. 68
11. qu’elle nous donnera le droit au succès. 72
12. que nous sommes prêts à l’assumer. 82
13. que nous avons amplement les moyens de l’assumer. 89
14. qu’elle nous permettra de définir nos priorités. 99
15. qu’elle nous permettra de reprendre en main notre économie.
16. qu’elle nous permettra de rationaliser notre développement économique et social. 108
17. qu’elle nous permettra de réaliser une véritable association économique avec le Canada… et quelques autres pays. 113
18. qu’elle nous permettra de nous débarrasser de notre psychose collective. 119
19. qu’elle nous permettra de nous débarrasser de notre vanité. 123
20. qu’elle nous permettra de redécouvrir nos origines et de nous débarrasser de notre francophobie maladive. 128
21. qu’elle nous permettra de nous débarrasser de notre xénophobie. 133
22. qu’elle nous permettra de lutter plus efficacement contre l’unification forcée du monde. 137
23. qu’elle nous permettra de freiner l’expansion du racisme. 142
24. qu’elle nous permettra de mieux résister à l’influence américaine. 147
25. qu’elle constitue la dernière chance du Canada anglais. 152
26. qu’elle redonnera confiance aux minorités françaises du Canada. 157
27. qu’elle nous forcera à repenser le sort que nous faisons aux autochtones du Québec. 162
28. qu’elle nous forcera tous à nous dépasser nous-mêmes. 166
29. qu’elle permettra aux jeunes Québécois d’inventer leur propre projet de société. 171
Conclusion 175
Source : Pierre BOURGAULT, OUI à l’indépendance du Québec, Montréal, Les Éditions Quinze, 1977, 179 p. Tous les titres des articles sont suivis d’un numéro de page. ISBN 0-88565-139-1 Bibliographie
Le Rassemblement pour un pays souverain a dressé une liste de « lectures suggérées » qui présente un intérêt particulier en ce qui a trait à l’évolution de la pensée indépendantiste au Québec. Les auteurs retiennent pour Pierre Bourgault les écrits suivants :
· Écrits polémiques : la colère, Lanctôt Éditeur, collection « L'histoire au présent ».
· Écrits polémiques 1960-1981, 1. La politique, Montréal, VLB Éditeur, 1982.ISBN : 2-89005-158-7
· Écrits polémiques 1960-1981, 2. La culture, Montréal, VLB Éditeur.
· Maintenant ou jamais, Montréal, Stanké, 1990. ISBN : 2-7604-0372-6
· Moi, je m'en souviens, Montréal, Stanké, 1989. ISBN : 2-7604-0351-3
· Oui à l'indépendance du Québec, Montréal, Quinze, 1977. ISBN : 0-88565-139-1